Transmettre, apprendre
Transmettre, apprendre
Marie-Claude Blais, Marcel Gauchet, Dominique Ottavi
Les essais Stock
ISBN 978-2-234-06501-7 19 euros
Transmettre, apprendre. Ce second ouvrage[1] du philosophe Marcel Gauchet avec Dominique Ottavi et Maric-Claude Blais cherche à explorer les liens entre ces deux termes. Pour les auteurs, une longue évolution scientifique et pédagogique a eu tendance à substituer au premier terme, qui était le fondement des sociétés traditionnelles, le second terme qui est au cœur de la mission de l’école. Celle-ci permet en effet de s’affranchir des déterminismes familiaux et sociaux pour favoriser la construction des savoirs d’une façon individuelle et progressive. Pour y parvenir, une pédagogie nouvelle s’est développée, qui se fonde essentiellement sur l’activité de l’élève, faisant de ce dernier l’acteur de ses propres apprentissages[2]. Sans nier les apports de Piaget et de bien d’autres, les auteurs veulent montrer les limites de ce modèle. L’importance dans le processus d’apprentissage de la transmission de valeurs, de références culturelles ou de méthodes de travail, dans un cadre familial ou sociétal, est réaffirmée. Ce constat explique à leurs yeux la permanence des inégalités d’accès à la connaissance au sein de l’école d’aujourd’hui, malgré tous les efforts de la démocratisation. La révolution d’Internet contribuera-t-elle à remettre en cause la situation ainsi décrite ? Les auteurs sont loin de le penser. Le numérique ne peut dispenser l’élève de la nécessité de mémoriser des connaissances, de s’astreindre à un effort intellectuel prolongé, ou bien encore de se confronter au regard d’autrui dans l’évaluation de ses apprentissages, toutes choses dont la magie d’Internet – aux dires de certains[3] – permettrait de s’affranchir. L’enjeu de l’école du XXIème siècle est donc de chercher à concilier ces deux termes – « apprendre » et « transmettre » – grâce à un dépassement des certitudes du passé.
L’image donnée par les auteurs du système scolaire est sans doute simpliste. La mise en activité de l’élève et son épanouissement sont loin de constituer les seuls objectifs de l’école d’aujourd’hui, et l’appropriation de savoirs reste une préoccupation essentielle. De même les auteurs esquissent peu de pistes pour restituer une place non discriminante à la transmission d’un capital social et culturel favorables aux processus d’apprentissage. Les thèses développées se révèlent cependant très stimulantes, et on ne peut que recommander la lecture de cet ouvrage à tous ceux que les débats sur l’école intéressent.
Pierre VINARD
[1] Le premier s’intitule « Conditions de l’éducation » chez Stock.
[2] Sur l’explicitation de ces termes, voir la note de lecture de Hervé Kéradec sur le dernier ouvrage de Philippe Mérieu « Pédagogie : des lieux communs aux concepts clés ».
[3] L’ouvrage contient une critique féroce du dernier livre de Michel Serres « la petite Poucette ».