L'entreprise dans la société

Publié le par Pierre Vinard

L'entreprise dans la société

L’entreprise dans la société, une question politique
Michel Capron et Françoise Quairel-Lanoizelée
Editions La Découverte – Collection Grands Rep
ères

ISBN 978-2-7071-7596-0

Cet ouvrage est sans doute un des plus exhaustifs et les plus approfondis consacrés à l’étude des liens entre entreprise et société, et plus particulièrement au développement de ce qu’il est convenu d’appeler la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Après un survol historique sur l’évolution des relations entreprise-société et de la notion d’intérêt général, les auteurs étudient les différentes stratégies mises en œuvre par les entreprises dans ce domaine, ainsi que le cadre institutionnel national et surtout international dans lesquelles ces stratégies se déploient. En conclusion, les deux auteurs « revisitent » le concept d’entreprise à l’aune de l’insertion de ses dernières dans la société, ainsi que de leur prise en compte de l’intérêt général.


Pour résumer ce livre dense et particulièrement étayé, nous dirons qu’aux yeux des auteurs, deux conceptions de la RSE, et plus largement des relations entre l’entreprise et son environnement, s’affrontent :

  • la première considère que l’objectif de l’entreprise reste le profit, et que la RSE n’est que le moyen d’éviter les risques en termes d’image des manquements dans ce domaine, et de légitimer son action auprès des autres parties-prenantes, en particulier des consommateurs. Pour reprendre la fameuse formule de Milton Friedman : « oui à la RSE si elle permet d’accroître la valeur pour l’actionnaire ! ». Dans cette conception, toute action volontariste des pouvoirs publics et des organisations internationales est rejetée, au profit de règles volontaires élaborées par les entreprises elles-mêmes ;
  • la seconde plaide, en référence à Karl Polanyi (1886-1964), pour un « ré-encastrement » des entreprises au sein de la société. Les entreprises doivent prendre conscience, non seulement de leur responsabilité, mais aussi et surtout de leur « redevabilité[1] » envers leur environnement. Et elles doivent choisir leurs actions, non seulement en fonction des intérêts de leurs actionnaires, mais aussi de l’intérêt de l’ensemble de leurs parties prenantes. Dans un contexte d’hyper-concurrence, cette attitude des entreprises n’est pas spontanée, et les pouvoirs publics ainsi que les organisations internationales doivent peser sur leurs choix en élaborant un cadre règlementaire plus contraignant, au niveau national mais surtout international.


Cette deuxième conception, qui a bien entendu la préférence des auteurs, implique une évolution dans la définition même de l’entreprise. Sous l’effet de la mondialisation et de la financiarisation, les plus importantes d’entre elles se sont dégagées de toute contrainte sociale, règlementaire ou fiscale, ne cherchant plus qu’à satisfaire les intérêts d’une poignée d’actionnaires, dont la responsabilité est d’ailleurs « limitée à leurs apports » sans considération pour leur environnement, dont elles tirent pourtant leurs ressources naturelles et humaines. C’est la raison pour laquelle les auteurs – dans une conclusion provocante – proposent de nommer ces entités « puissances financières privées mondialisées » (PFPM) et de ne conserver le terme « entreprise » que pour les PME qui sont créées et gérées par des véritables entrepreneurs, soucieux de mener à bien leur entreprise (au sens de projet) dans le respect des principes du développement durable. Bien évidemment on n’est pas forcé de souscrire à cette vision irénique de la PME, mais la lecture de cet ouvrage nous paraît indispensable à qui souhaite approfondir sa connaissance des enjeux actuels de la responsabilité sociale des entreprises, et plus largement des liens entre entreprise et société.

Pierre VINARD

[1] Accountibility en anglais

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