Les Suds dans la crise, de Philippe Hugon et Pierre Salama

Publié le par Pierre Vinard

Les Suds dans la crise

Revue Tiers monde

Sous la direction de Philippe Hugon et Pierre Salama

Hors Série janvier 2010, 20 euros

EAN 9782200246273

 

Une littérature abondante a été publiée sur la crise actuelle dans les pays du Nord. En revanche plus rares sont les publications consacrées aux conséquences de la crise pour les pays du Sud, dans leur diversité. Ce numéro hors série de la revue Tiers monde, coordonné par deux enseignants emblématiques de l’université de Paris-Ouest, cherche à remédier à cette insuffisance. Tout au long d’une petite dizaine d’articles, des chercheurs en sciences sociales discutent de l’hypothèse du « découplage », à la faveur de la crise, entre pays du Nord et pays du Sud. Le premier point souligné est que si cette crise a bien trouvé son point de départ dans les pays du Nord, et plus particulièrement sur le marché immobilier américain, elle n’en a pas moins révélé les forts déséquilibres entre pays de vieille industrie et pays émergents : déficits publics et commerciaux croissants d’un côté, excédents d’épargne de l’autre. En simplifiant à l’extrême, c’est la forte propension des Chinois à épargner dans la perspective de leur retraite ou face aux aléas de la vie qui permet de financer – via la souscription de bons du Trésor américain – le niveau  de vie des consommateurs américains. La crise des subprimes a montré la fragilité de cet édifice. Les pays du Sud ont donc été touchés (« impactés » selon la bien vilaine expression désormais fort prisée dans la presse économique) par deux mécanismes différents : la baisse de leurs exportations de produits manufacturés dans le cadre d’un repli du commerce mondial d’une part, les difficultés de financement de leurs investissements d’autre part. Les auteurs soulignent cependant que le système financier des pays du Sud – en particulier asiatiques – moins exposé à des positions spéculatives et déjà échaudé par la précédente crise financière, a mieux résisté que le système financier des pays du Nord. La crise est donc devenue une réalité pour l’ensemble des pays du Sud – en particulier pour leurs couches sociales les plus modestes – et l’hypothèse du découplage ne tient pas. En revanche les auteurs examinent la capacité de résilience de ces économies et les stratégies de sortie de crise. À ce titre une distinction doit être faite en les différents pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud, ce qui justifie pleinement le pluriel du titre de la revue. Les grands pays émergents – Chine, Inde, Brésil, auxquels il convient d’ajouter l’Afrique du Sud ou le Vietnam –, s’ils savent développer leur marché intérieur et tisser des liens commerciaux fort entre eux, pourront maintenir un taux de croissance à long terme relativement élevé, malgré les tensions liées à l’épuisement des ressources minières et alimentaires. En revanche les auteurs sont plus pessimistes sur le sort des pays hispanophones d’Amérique latine et des pays les moins avancés, dans une grande partie se trouvent en Afrique sub-saharienne. À défaut de pouvoir valoriser leurs exportations de matières premières, ces derniers risquent de s’enfoncer dans la crise, à moins d’une aide massive et une priorité accordée à l’agriculture et aux besoins de base. Il est d’ailleurs intéressant d’analyser la stratégie de séduction actuelle de la Chine vis-à-vis du continent africain, considérée par un certain nombre de dirigeants des pays concernés comme une réponse pertinente aux difficultés rencontrées, ce qui n’est évidemment pas l’avis des auteurs de la revue.

 

La lecture de ce numéro spécial est donc particulièrement éclairante sur les enjeux actuels de cette crise, que l’on dit la plus grave depuis celle de 1929, dans une économie désormais globalisée.

 

Pierre VINARD

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