Les stratégies absurdes, de Maya Beauvallet

Publié le par Pierre Vinard

Les stratégies absurdes

Comment faire pire en croyant mieux faire

Maya Beauvallet

Seuil, ISBN 978.2.02.098568.0, prix 14 euros

 

Dans ce petit ouvrage souvent drôle et jamais ennuyeux, Maya Beauvallet – maître de conférences à Télécom ParisTech – dénonce l’intrusion mal maîtrisée des indicateurs de performance dans le management, tant public que privé. L’auteure multiplie les exemples de dysfonctionnement, de l’indicateur individuel qui désunit le collectif de travail à l’outil de performance relatif qui incite à saboter le travail des autres, en passant par les indicateurs incomplets qui favorisent l’atteinte d’objectifs partiels. Cette nouvelle tendance du management à tout évaluer et à tout chiffrer génère des effets pervers, quand ce ne sont pas des effets contre-productifs. Maya Beauvallet aurait pu citer les objectifs du Gosplan de la défunte Union soviétique en tonnes de clous, qui avaient entraîné la surproduction en gros clous et la pénurie en petits clous. Mais elle préfère appuyer sa démonstration sur des exemples plus actuels de nos sociétés de marché, qui montrent que les économies planifiées n’ont pas le monopole des « stratégies absurdes ». Ainsi ces prisons privatisées des États-Unis où la formation des gardiens ne figurant pas dans le cahier des charges, on assiste à une recrudescence des actes de violence. Ou encore ces agences pour l’emploi qui privilégient l’accompagnement des chômeurs les plus instruits pour atteindre leurs objectifs d’insertion professionnelle, en particulier en fin d’année. Ou enfin ce boom des césariennes qui s’explique par la baisse du taux de fécondité, et donc la volonté des gynécologues de maintenir leurs revenus en pratiquant des actes médicaux mieux remboursés ! Des exemples d’outre-Atlantique que l'on aurait pu tout aussi bien être trouver en France, à quelques variantes près….

 

La conclusion de Maya Beauvallet est qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, et que les indicateurs de performance peuvent être utiles. Mais une grande prudence s’impose quant à leur utilisation et surtout leur interprétation. Le manager qui se voit confier la tâche ardue d’élaborer des indicateurs doit toujours garder sa porte ouverte sur le monde de l’usine ou du bureau. En une phrase continuer à observer la réalité avec ses propres yeux, conserver le contact avec les salariés dont il doit gérer l’activité, échanger et discuter. Avec cette précaution, peut-être évitera-t-on que le plus beau bateau du monde se retourne dans la baie de Stockholm dès sa mise à l’eau, comme le « Vasa » construit pour le caprice d’un roi mégalomane, et que sa superstructure trop lourde a irrémédiablement entraîné vers le fond !

 

Pierre Vinard

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